Laissons la discipline nous guider au travers des hauts et bas du marché et non pas les manchettes
La volatilité a refait surface dans les marchés financiers à travers la planète au terme du troisième trimestre. Il est à noter, par contre, que les dommages sont concentrés dans les secteurs cycliques et dans les plus petites capitalisations. Le tableau suivant le démontre bien :
3e trimestre* | Année à ce jour* | |
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– 2.93% | +4.78% |
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– 1.94% | +1.60% |
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– 6.46% | +2.29% |
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– 10.12% | +1.54% |
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– 5.75% | +6.82% |
* au 10 octobre 2014
Alors que les marchés confirment un recul, les investisseurs s’interrogent à savoir s’il s’agit d’une simple correction bénigne ou si l’on doit craindre le retour d’un marché baissier en bonne et due forme.
Les tensions internationales font bien sûr partie des causes principales du regain d’incertitude. Il y a aussi une panoplie de nouvelles qui contribue à cette recrudescence d’anxiété qui brasse les marchés de haut en bas. Le prix de l’énergie est à la baisse, le dollar américain a pris de la vigueur, l’économie européenne tarde à confirmer sa relance, la croissance économique chinoise bat de l’aile, la Russie s’en prend à l’Ukraine, l’État Islamiste lance des appels au chaos en diffusant des actes de terrorisme barbares, les protestations des étudiants hongkongais nous rappellent les tristes évènements du Square Tian An Men en 1989 et l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’ouest prend des proportions alarmistes en étendant ses tentacules jusqu’aux États-Unis et en Espagne. Tout cela appuie les craintes habituelles et nourrit les soubresauts du marché.
Pour être honnête, il est difficile de savoir si ces évènements ont un réel impact sur les marchés et un rôle déterminant dans la correction. D’ailleurs, il est tout simplement impossible d’en mesurer les impacts. Peut-être est-ce simplement du bruit de fonds qui nous empêche de nous concentrer sur la vraie mélodie mais, chose certaine, ce sont d’excellentes excuses pour justifier un recul des marchés. Après une montée longue de 5 ans qui a pris racine dans les abysses de la crise financière de 2008-2009, cette correction arrive avec un certain retard.
Comme nous l’avions mentionné dans les deux dernières lettres trimestrielles, c’est de plus en plus difficile de sélectionner de bonnes compagnies à de bons prix. Par conséquent, cet ajustement dans l’évaluation des titres d’équité nous permet de redécouvrir de bonnes aubaines. Et oui, cela peut sembler masochiste mais plus l’ajustement est important et plus nous, les sélectionneurs de titres, sommes en mesure de trouver les bonnes occasions. Voilà le rouage du processus d’investissements.
Les tensions mondiales perturbent l’équilibre financier. Cela génère presque toujours des opportunités puisque de plus en plus de compagnies rencontrent nos critères de sélection. Nous pouvons ainsi déployer du capital soit en achetant plus de compagnies que nous détenions au préalable, soit en achetant de nouvelles entreprises qui faisaient scintiller notre radar mais qui avaient un prix trop élevé. Comme l’a récemment dit Warren Buffet, pour les investisseurs qui ont des sommes à investir, une baisse de prix est un cadeau divin. Pour ceux qui sont à levier (i.e. sur marge), c’est une autre histoire.
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Rare sont les investisseurs qui n’ont pas connu cet adage : il faut acheter bas et vendre haut. Voilà la phrase magique qui simplifie l’art d’investir. Bien qu’à première vue, ce concept semble simple et facile à comprendre, la réalité est toute autre. La difficulté de ce concept réside dans son application. Les émotions et les états d’âmes sont des barrières importantes au succès. De nombreuses études nous indiquent que la psychologie de l’investisseur nuit à son succès. Voici ce qu’on devrait enseigner à celui-ci :
- Pour acheter bas et vendre haut, par définition, on se doit de faire différemment des autres qui sont contreparties à nos transactions;
- l’investisseur doit penser froidement et avoir la discipline de résister et ne pas réagir sous le coup de l’impulsion ;
- il doit se détacher des opinions et des courants de pensées qu’on entend à la radio, à la télévision et sur l’Internet.
Selon notre expérience, c’est excessivement difficile, voire improbable (mais pas impossible), pour la plupart des investisseurs de suivre ces trois commandements. L’Homme, avec ses instincts réactionnaires normaux , est mal préparé pour réussir dans le placement.
- Nous sommes des êtres sociaux. Suivre les autres est très réconfortant en période d’incertitude;
- Si l’investisseur se fonde une opinion, bonne ou mauvaise, il cherchera, pour se réconforter, à confirmer cette dernière dès qu’il le peut. Que ce soit avec les amis, la famille, les médias ou les opinions des « gourous » de la finance, si leur opinion est compatible à la nôtre, alors on renforce notre position :
- Le pire c’est que notre esprit tend à rejeter d’office les opinions qui sont contraires à la nôtre.
Wall Street et Bay Street sont des endroits qui peuvent porter à confusion. Avec l’Internet, tout le monde semble pouvoir se proclamer expert. Intuitivement on comprend que cela est tout simplement impossible. Si c’était le cas, tous les participants du marché seraient archi-riches. En réalité, on retrouve beaucoup d’opinions et très peu de faits réels sur l’Internet. Pire encore, il se peut aussi que nos lectures soient des complots de mise en marché pour stimuler l’investisseur à transiger fréquemment. Il faut comprendre que les volumes de transactions sont d’importantes sources de revenus pour les banques commerciales et d’investissements. L’écart entre les cours acheteurs et vendeurs, les commissions et les autres frais remplissent les coffres des institutions financières.
Ce n’est que lorsque nous apprivoisons ces défauts psychologiques que nous pouvons réussir à :
- Résister à l’envie d’acheter dans les marchés haussiers et de vendre dans les marchés baissiers ;
- penser de manière indépendante de façon à comprendre et bien analyser les faits pour bâtir notre propre opinion ;
- identifier les situations qui nous procurent un avantage.
Benjamin Graham, un des pionniers de l’analyse fondamentale a expliqué qu’un investisseur qui participe au marché des actions n’a ni tort ni raison parce que d’autres individus sont en accord ou en désaccord avec lui. Il a raison parce que son analyse des faits est juste. Chez Claret, nous continuons à travailler fort pour bien comprendre les faits et les analyser judicieusement.
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Chez Claret, bien que nous n’essayons ni de prédire, ni d’anticiper les marchés, nous prenons soin de suivre certaines statistiques économiques et financières qui représentent l’évaluation des marchés. Nous considérons, bien évidemment, que les taux d’intérêt, tant à court terme qu’à long terme, tant corporatifs que gouvernementaux, sont importants. Voici deux faits tirés de notre analyse :
- La faiblesse des taux d’intérêts justifie des évaluations élevées pour les titres d’équité en général. Cela permet aux firmes d’emprunter de l’argent à un taux très favorable dans le but de racheter leurs propres actions ordinaires. Cela a pour effet d’augmenter la valeur des titres. Cet environnement de taux faibles force aussi les épargnants à se tourner vers les dividendes d’actions ordinaires pour permettre de générer un taux de revenu adéquat pour financer leurs dépenses. Cela crée également une pression à la hausse sur les actions.
- On qualifie une correction significative lorsqu’elle franchit la barre des -15%. Depuis 1954, il n’y a pas eu de correction significative qui n’a pas été précédée par une hausse, parfois importante, des taux d’intérêt mis à part une seule fois. C’est l’exception qui confirme la règle ! Dans les faits, presque toutes les chutes des marchés boursiers de plus de 15% ont été précédées par des hausses, souvent considérables, des taux d’intérêts de trois mois d’échéance. La seule exception fût causée par la débâcle de Long Term Capital Management en 1998. La gargantuesque firme de gestion de fonds de couverture (‘hedge fund’) qui opérait avec un levier financier monstre a sombré et on a dû liquider son énorme portefeuille, ce qui a causé ladite correction.
Ceci nous amène à un point d’inquiétude important: les produits dérivés. Notre principale crainte se situe dans l’utilisation de ceux-ci via les multiples structures financières que les banques et fonds de couverture incluent dans leurs bilans et que personne ne sait vraiment ce que le tout vaut! Comme le disait si bien Warren Buffet au début des années 2000, ce sont des armes de destruction massive. Ces véhicules sont constamment évalués au prix du marché. Cependant, lorsque la spéculation propulse les marchés à des altitudes malsaines, les produits dérivés deviennent évalués à hauteur de la fiction, ce qui fait le bonheur des banquiers et des gestionnaires de fonds de couvertures qui enregistrent de juteux bonus. Ces structures financières encouragent des comportements malsains de divers investisseurs. Rappelez-vous de AIG avec ses stratagèmes imaginatifs (avec produits dérivés) sans un sous de réserve. Celles-ci permettaient aux ‘investisseurs’ à revenu très modestes d’emprunter pour acquérir de luxueuses propriétés dans le but de les revendre à profit! Le prix des maisons a explosé mais le retour de la manivelle fut violent. La crevaison de la bulle immobilière a non seulement forcé AIG à la banqueroute mais elle a complètement anéanti le bilan financier de plusieurs institutions financières de renom. Ils ont presque fait imploser l’économie mondiale en 2008 et 2009. Nous devons donc demeurer vigilant et surveiller ces gros joueurs à l’aide de la règlementation. Pour l’instant, nous croyons qu’il n’y a pas d’utilisation excessive de levier financier ou de bulles spéculatives qui ont le potentiel de créer une dislocation majeure de l’économie réelle. Par contre, soyez-en assuré, un jour il y en aura une.
L’Équipe Claret