Que faut-il changer pour que l’investissement responsable ait du sens?

L’investissement responsable et plus précisément l’investissement environnemental devient de plus en plus populaire au Canada. Cela a contribué à la croissance récente de l’engouement envers les investissements ESG, qui signifie environnement, société et gouvernance et à l’inventaire grandissant de compagnies « vertes » ou « propres » disponibles en bourse. 

Pour récapituler ce qui est expliqué dans la vidéo, les principaux problèmes que j’observe avec les fonds ESG populaires sont :

  • Les frais sont plus élevés par rapport aux stratégies plus traditionnelles ;
  • Ils sont très concentrés dans quelques titres lorsque le thème d’investissement est trop précis ;
  • Les plus grands fonds ESG investissent très souvent dans les mêmes grandes entreprises que les fonds indiciels traditionnels, mais leurs frais sont plus élevés ;
  • Les critères de sélection ESG sont subjectifs, c’est-à-dire qu’ils varient d’un individu à l’autre en raison des opinions personnelles.

Maintenant que je vous ai partagé les principaux risques pour les investisseurs, il y a un autre problème majeur. L’investissement ESG ne permet pas nécessairement d’atteindre l’objectif de durabilité ou de responsabilité sociale, même si certains fonds ou entreprises le prétendent, car les titres sous-jacents ne répondent pas toujours aux objectifs de l’investisseur. Malheureusement, beaucoup d’entre eux sont commercialisés en utilisant des termes tels que « le meilleur de sa catégorie », « durable » ou « à faible émission de carbone ». C’est trompeur! 

L’industrie ESG manque de transparence et elle devrait faire un effort pour indiquer plus clairement où l’investisseur investit réellement son argent. Voici 3 éléments qui pourraient être améliorés pour rendre ces fonds plus responsables :

1. Les critères de sélection pour investissements responsables devraient être plus clairs et plus stricts. 

Présentement, il n’existe pas d’approche standardisée pour le calcul ou la présentation des différents critères ESG. Les investisseurs peuvent utiliser une variété d’approches et de sources de données pour créer différents produits qui au bout de la ligne porteront tous la même étiquette ESG. Pour le petit investisseur, c’est difficile de s’y retrouver, ce qui le contraint à croire aveuglément à tout fonds étiqueté «ESG». Comment croire que ces fonds sont effectivement responsables, s’il n’existe pas d’approche normalisée – et si personne ne la fait respecter ? 

2. Les fonds ESG devraient se concentrer sur la performance à long terme.

Les fonds qui se concentrent sur des entreprises plus innovatrices devraient se concentrer sur les performances à très très long terme. Les innovations prennent du temps avant de donner des résultats, beaucoup de temps. Cela peut prendre 5, 10 ou 20 ans avant de savoir si une nouvelle technologie sera un succès. Les banques et les entreprises peuvent essayer de convaincre les investisseurs que l’investissement responsable peut être autant, voire plus rentable que les stratégies traditionnelles. Mais elles n’utilisent que de courtes périodes de temps comme point de comparaison, ce qui signifie qu’il y a plus de chances que les investisseurs abandonnent ces produits après quelques années de mauvaise performance. La transition énergétique est un processus très long et la plupart des actionnaires veulent des résultats à court terme. Très peu de gens seraient prêts à investir leur argent et à attendre 10 ans pour voir si cela en valait la peine. Par contre, c’est probablement ce qu’il faudrait pour contribuer à un réel changement.

3. Les entreprises ESG devraient être considérées sur la base de leurs engagements futurs en matière de durabilité – et non sur le passé.

Les critères de sélection ESG sont plus souvent basés sur le passé des entreprises, plutôt que sur leur volonté à améliorer le futur. Les fonds responsables n’agissent pas comme des allocateurs de capital. On pourrait penser que leur objectif serait de réaffecter l’argent investi dans des industries/entreprises moins responsables vers des industries/entreprises plus responsables. Surprenamment, ce n’est pas comme ça qu’ils fonctionnent. Jusqu’à maintenant, les fonds ESG ont à peine désinvesti de l’argent de l’industrie des combustibles fossiles pour la réallouer vers des entreprises d’énergie plus propres. C’est parce que les critères ESG favorisent les entreprises pour leur faible empreinte carbone ; plutôt que leur capacité à décarboniser les industries ou encore leur impact social sur les communautés qui souffriront de la transition énergétique. En d’autres mots, si une entreprise pollue moins par son modèle d’affaires, pensons à une grande compagnie technologique comme Google, elle a de meilleures chances d’être incluse qu’une entreprise qui souhaite améliorer la transition énergétique.

Les critères ESG tels qu’ils sont aujourd’hui, sont imparfaits. Ils sont encourageants dans le sens où leur succès prouve que les gens sont plus sensibles lorsque vient le temps d’investir leur argent, mais il y a beaucoup de chemin à faire afin que ces produits soient de réels contributeurs à un monde qui s’améliore. Certains investisseurs progressistes ont identifié ce problème et proposent leurs propres modèles d’investissement pour lutter contre les changements climatiques – par exemple, la famille Mulliez (lien en anglais seulement). Cependant, pour l’investisseur moyen, un changement à l’échelle de l’industrie pour les ESG est attendu depuis longtemps.

Auteur(e)

  • Maxime Dubé, M.Sc., CFA
    Maxime détient une maîtrise en finance de l‘Université de Sherbrooke et est détenteur de la charte CFA depuis 2019. Il s’est joint à l’équipe de Claret en 2016 à titre d’analyste en placement junior et a été promu au poste de gestionnaire de portefeuille en 2019.

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