Un Casse-Tête Pandémique

Après un plongeon spectaculaire qu’a provoqué la crise de la COVID en mars cette année, les marchés financiers se sont redressés avec une intensité presque équivalente à la chute qui l’avait précédé. En fait, si vous n’aviez pas porté attention aux marchés financiers entre janvier et juin, la baisse des valeurs semble relativement bénigne comparativement à l’ampleur écrasante de la crise à l’échelle mondiale.

Comme le coronavirus domine l’actualité nuit et jour, la plupart des investisseurs se demandent si les marchés sont déconnectés de cette réalité qu’on nous présente dans les médias traditionnels.

Anatomie d’une reprise

Mesures de relance massives

Si nous pensons que le redressement reflète en partie le fait qu’après la panique initiale, les investisseurs ont conclu que « cela aussi passera », nous estimons que la reprise est d’abord et avant tout attribuable à l’étendue des mesures de relance budgétaire et monétaire prises par les gouvernements et les banques centrales du monde entier. En d’autres termes, l’argent imprimé comme par magie finira par se retrouver dans les marchés financiers.

En outre, on s’attend à ce que les taux d’intérêt restent à des niveaux historiquement bas dans un avenir prévisible, ce qui rend les rendements des instruments à revenu fixe (en particulier les obligations gouvernementales et les obligations d’entreprises de qualité) peu attrayants par rapport aux actions.

Concentration extrême

Parmi les actions, toutefois, le rebond s’est révélé très inégal à travers les différents secteurs. Nous pouvons en fait répartir la performance des actions en deux groupes : les « gagnants » de la COVID et les autres. Les investisseurs ont récompensé les entreprises qui facilitent le télétravail, les achats en ligne et les activités à domicile en faisant monter le cours de leurs actions. À l’inverse, ils ont sévèrement puni les entreprises traditionnelles dont le modèle d’affaires repose sur le contact humain… sauf Tesla! À tel point que de nouvelles distorsions sont apparues sur les marchés. Le cas extrême est celui de l’indice Russell 1000 Croissance (qui représente, comme son nom l’indique, les 1000 plus grandes entreprises de croissance aux États-Unis), où cinq titres représentent désormais une proportion jamais vue de 37 % de l’indice dans son ensemble, soit Microsoft (10,4 %), Apple (10,2 %), Amazon (8,5 %), Alphabet (Google) (4,5 %) et Facebook (3,8 %). Ainsi, les actions américaines représentent désormais 66 % de l’indice MSCI Monde, qui représente le marché boursier à travers la planète, contre 30 % il y a trois décennies. Pour voir les choses dans une perspective différente, le tableau ci-dessous montre la performance en dollars américains des actions des FANMAG (Facebook, Amazon, Netflix, Microsoft, Apple et Google) par rapport à celle du reste de l’indice S&P 500 :

 Gains annualisés (%) Depuis le début de l’année (%)
 31 déc. 2014 – 30 juin 202031 déc. 2019 – 30 juin 2020
FANMAG27,3223,49
S&P 5007,43-5,5
S&P 494  (S&P 500 hors FANMAG)4,22-11,3

Divergence énorme entre les valorisations

Comme vous vous en doutez, les actions des FANMAG et autres titres technologiques (communément appelées titres de croissance) devraient présenter des valorisations plus élevées que les tires industrielles traditionnelles (appelées titres de valeur). En fait, au moment d’écrire ces lignes, les valorisations médianes des ratios cours/bénéfices des actions de croissance sont de quatre fois supérieures à celles des actions de valeur (59,4 contre 15,8), selon la société Ned Davis Research. S’il est vrai que les sociétés des FANMAG sont extrêmement rentables et continuent de croître à un bon rythme, la question que nous nous posons est la suivante : qu’est-ce qu’une prime raisonnable à payer pour la croissance? Tout le monde aime la croissance, bien sûr, mais à un moment donné, les valorisations importent.

Les valorisations géographiques deviennent aussi une préoccupation. En raison de l’effet de concentration et en étant dominées par les FANMAG, les actions américaines sont également beaucoup plus chères qu’elles ne le sont habituellement par rapport aux actions du reste du monde.

Et maintenant?

À mesure que la pandémie évolue, les entreprises devront s’adapter aux nouvelles réglementations et aux nouveaux comportements des consommateurs. Tant qu’un vaccin ne permettra pas une immunité généralisée, le retour à la normale se fera attendre. Dans un tel contexte, il faudra une capacité à voir au-delà de 2020 pour investir judicieusement. Les entreprises faibles échoueront, les fortes prospéreront. Par conséquent, l’examen du bilan des entreprises et nos dialogues avec les équipes de direction resteront essentiels à nos travaux d’analyse.

Que faire?

Les investisseurs doivent accepter la volatilité comme une caractéristique déterminante du marché actuel. Ils doivent donc résister à cette forte envie d’entrer et sortir systématiquement des marchés. Ils ne doivent pas laisser les fréquentes et fortes fluctuations – à la hausse ou à la baisse – les faire dévier de leurs objectifs stratégiques à long terme.

Ils doivent rester diversifiés et éviter la tentation de se joindre à la fête créée par l’effet de concentration sur les FANMAG et autres titres de croissance connexes. N’enviez pas vos amis qui détiennent des titres de Tesla, Zoom et les autres titres qui défient les lois de la gravité (ah oui, c’est vrai, nous avons failli oublier de mentionner les titres de cannabis… vous vous rappelez ce récent désastre?).

Pour paraphraser Charlie Munger, le partenaire de Warren Buffett, l’envie est un péché vraiment stupide, car c’est bien le seul avec lequel on ne peut s’amuser.  Comme toutes les autres pandémies dans l’histoire, celle-ci aussi passera. Un vaccin sera éventuellement découvert, et la vie reprendra son cours normal. Nous osons espérer qu’avec les progrès de la médecine et de la recherche réalisés au cours des 100 dernières années, un vaccin sera découvert bientôt. Comme investisseurs, nous devons évaluer la valeur intrinsèque des entreprises lorsque les choses se normalisent, la comparer aux cours actuels et décider si nous voulons détenir ces titres ou non. C’est ce que nous nous efforçons de faire chez Claret.

Soyez prudents, restez en santé et profitez bien du reste de l’été.

L’équipe Claret

Auteur(e)

  • Claret
    Fondée en 1996, Claret se spécialise dans la gestion de portefeuille de placements afin de répondre aux besoins grandissants d’une clientèle d’investisseurs privés à valeur nette élevée.

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