Les actions privilégiées sont des titres qui génèrent du revenu fixe à taux alléchants, fiscalement favorables, que l’on peut façonner pour tirer avantage du contexte des taux d’intérêt.
Comment fonctionnent les actions privilégiées et comment pouvez-vous les utiliser dans votre portefeuille? Voici certains des avantages et désavantages de cette classe d’actif.
Qu’est-ce qu’une action privilégiée?
Les actions privilégiées sont des titres hybrides de revenus fixes. Ils se situent du côté de l’équité dans le bilan des émetteurs et génèrent un dividende déterminé plutôt que du revenu d’intérêt. Le dividende est fixé dans le prospectus d’émission et peut être considéré comme un revenu fixe. Bien qu’historiquement considérée comme un placement très conservateur, les investisseurs ont boudé cette classe d’actif pendant quelques années, de janvier 2015 à la fin de 2020. Cette période d’essoufflement de la demande pour les actions privilégiées s’est traduite par des taux de dividendes très alléchants, mais aussi par des manques de liquidité temporaires et une volatilité dans les prix.
Comment fonctionnent les actions privilégiées?
Certaines compagnies comme les oléoducs, les banques ou les services publics requièrent un niveau d’endettement élevé pour opérer. Les actions privilégiées présentent d’énormes avantages pour ces dernières. Elles permettent d’accéder à du financement plus souple que la dette et à un coût de capital bien meilleur marché que les actions ordinaires. Cela permet donc d’optimiser la quantité de dettes et d’équité pour l’entreprise et ainsi, rendre le coût du capital plus efficace.
La plupart des actions privilégiées sont émises à 25$. Les dividendes sont toujours calculés sur le prix d’émission, même si la valeur au marché change tout le temps. De ce fait, une action privilégiée avec un taux de 5% paiera un dividende annuel de (5% x 25$) 1.25$. Le dividende est habituellement versé de manière trimestrielle, soit, un quart du montant annuel, 4 fois par année. Puisqu’elles se transigent en bourses et que leurs prix fluctuent, on pourrait acheter l’action privilégiée du récent exemple, qui paie un dividende de 1.25$, à prime (plus de 25$) ou à escompte (moins de 25$). Nous aurions ainsi un taux plus ou moins bon que les 5% affichés dépendant de notre prix d’achat. Par exemple, si on met la main sur ce titre à 20$, notre rendement courant sera de 1.25$ sur un coût de 20$ soit 7% au lieu du 5% qui est affiché au prospectus et basé sur le prix d’émission de 25$.
Les actions privilégiées vs les obligations
Comme mentionné précédemment, les actions privilégiées siègent du côté de l’équité au bilan des entreprises. Contrairement aux obligations et aux débentures, ce n’est pas une créance envers l’investisseur que porte l’émetteur. En d’autres mots, quand vous achetez une action privilégiée, nul ne vous doit de l’argent. C’est bel et bien un titre qui fait partie du capital-actions des entreprises.
De ce fait découle quelques différences importantes entre les actions privilégiées et les titres obligataires. Premièrement il n’y a pas d’échéance. Les obligations ont des dates d’échéance à laquelle la compagnie doit vous remettre l’argent prêté et terminer le contrat de prêt. L’action privilégiée a plutôt des dates de rachat où l’émetteur a le droit (mais non l’obligation) de racheter les titres à un prix prédéterminé ou les reconduire pour une autre période. Deuxièmement, les actions privilégiées paient un dividende déterminé qui est payé à partir du revenu après impôt de l’entreprise et imposé à un taux avantageux pour l’actionnaire. Cela est fort avantageux fiscalement par rapport aux revenus d’intérêts, qui eux sont payés à partir du revenu avant impôt de l’entreprise et imposés auprès du bénéficiaire (ou le détenteur de l’action privilégiée) à son taux marginal. Troisièmement, il est commun que les actions privilégiées aient des clauses de rajustement de taux étant donné l’absence de date de remboursement (rachat) ferme.
Les BCRL et les actions privilégiées
L’arrivée des billets de capital à recours limité (BCRL) au Canada en juillet 2020 a immensément changé la donne pour ce marché qui avait été délaissé par les investisseurs lors des dernières années.
Les BCRL fournissent aux entreprises une option de financement différente des actions privilégiées et alléchantes pour les émetteurs, puisqu’ils leur permettent de déduire les intérêts tout en leur offrant un accès à du capital similaire sous forme d’actions privilégiées. Par conséquent, nous prévoyons qu’une bonne portion des actions privilégiées en circulation sera rachetée et qu’il y aura un déséquilibre entre les produits d’investissement disponibles et la demande pour cette catégorie d’actifs, ce qui pourra soutenir de bonnes performances dans ce secteur.
Les types d’actions privilégiées: variables, perpétuelles et à taux révisable
Il existe plusieurs types d’actions privilégiées mais les principales sont les actions privilégiées variables, les actions privilégiées perpétuelles et les actions privilégiées à taux révisable.
Les actions privilégiées à taux variables sont des titres qui paient un dividende qui est ajusté tous les 3 mois. Ils sont généralement basés sur des taux à court terme comme les bons du Trésor ou le taux préférentiel bancaire, auquel on ajoute la prime de risque prédéterminée pour le paiement total du dividende.
Les actions privilégiées perpétuelles paient le même montant de dividende à perpétuité ou jusqu’à ce que l’entreprise rachète son titre. Cette catégorie d’actions privilégiées était très populaire lorsque les taux étaient plus élevés. En revanche, lorsque les taux d’intérêt se sont mis à descendre, les investisseurs sont devenus frileux à l’idée d’investir à faible taux pendant une durée indéterminée! De plus, l’émetteur dispose généralement d’une clause de rachat qui lui permet de racheter les actions s’il le souhaite, ce qui peut être indésirable pour l’investisseur
Les actions privilégiées à taux révisable. Avec des taux plus bas, les investisseurs ont demandé un mécanisme pour ajuster les taux afin de ne pas rester coincés avec un dividende anémique si les taux devaient monter! Les actions privilégiées à taux révisable ont cette caractéristique, mais elles sont un peu plus compliquées. Elles ont une clause qui implique un ajustement de taux tous les 5 ans, ainsi que la possibilité de choisir entre un taux fixe ou variable. Elles sont émises avec un dividende qui est bâti en deux temps. D’abord, le taux initial est fixé pour les 5 premières années. Le taux d’intérêt de base consiste en une prime de risque qui sera fixé indéfiniment. Ensuite, en addition, l’investisseur peut choisir entre un taux fixe ou un taux variable. S’il choisit un taux fixe, il recevra le taux jalon des obligations gouvernementales du Canada 5 ans. S’il choisit le taux variable, il recevra les bons du Trésor 90 jours. Voici ce qui se passe tous les 5 ans :
Choix de l’émetteur :
- Reconduire le titre pour une période de 5 années supplémentaires ;
- Racheter le titre au prix original (25$)
Choix de l’investisseur si l’émetteur choisit de laisser courir le titre :
- Choisir un taux fixe composé de la prime de risque fixée au prospectus additionnée au taux de l’obligation Canada 5 ans en vigueur à la date d’anniversaire quinquennal du titre pour la prochaine période OU
- Choisir un taux variable composé de la prime de risque additionnée aux bons du Trésor 3 mois qui sera ajusté tous les trimestres pour les 5 prochaines années.
Voici un exemple. La compagnie émet au temps zéro, une action privilégiée avec une prime de risque de 2.5% alors que le taux jalon 5 ans au Canada s’établit à 2.00%. L’action privilégiée à taux révisable aura un dividende initial de 4.5%, soit ($25 * 4.5%) $1.125. Au 5e anniversaire d’émission, si les taux 5 ans au Canada s’établissent à 3% et l’investisseur choisit un taux fixe, le nouveau taux pour les 5 années subséquentes, sera de 3% plus la prime de risque de 2.5% donc 5.5%. Au 10e anniversaire, si les taux sont alors de 1%, le nouveau taux fixe sera de (1% – les taux Canada 5 ans + 2.5% – la prime de risque) 3.5%, etc.
Les actions privilégiées à taux révisable ont été très populaires lors des 2 dernières décennies, puisque les investisseurs anticipaient une reprise des taux. Elles représentent d’ailleurs, près de 80% de l’indice canadien S&P/TSX des actions privilégiées. Cependant, bien qu’avantagées par une hausse de taux, l’inverse est également le cas. En fait, la possibilité et la crainte des taux d’intérêt négatifs ont été fortement nuisibles pour ces dernières, au point où cette classe d’actif réputée comme très conservatrice a connu plusieurs années difficiles de suite et des chutes de près de 35% à très court terme.
Les avantages des actions privilégiées
Il y a plusieurs avantages à investir dans des actions privilégiées. L’un d’eux est d’avoir accès à un revenu en dividende et qui est fixé par prospectus. Le dividende déterminé est taxé à un taux plus bas au Canada et au Québec. À titre d’exemple, si vous gagnez $100,000, l’imposition de 1$ d’intérêt se fera à 45.71% et 1$ de dividende sera taxé seulement à 29.63%. Si vous êtes dans le plus haut palier d’imposition, soit au-dessus des $220,000, le dividende déterminé est taxé à 40.10% versus 53.30% pour le revenu ordinaire. Le dividende est donc imposé de 25% à 35% moins que les revenus d’intérêts.
Un deuxième avantage est le taux de revenu. Les actions privilégiées paient des taux de dividende avant impôts qui sont considérablement plus élevés que les taux effectifs d’une obligation ou débenture équivalente.
Les actions privilégiées sont également excellentes pour constituer un portefeuille de titres pour profiter de différentes situations de taux d’intérêt. On peut, par exemple, choisir un panier de taux révisable pour profiter de la hausse des taux ou par exemple, un panier de perpétuelles si l’on préfère se bâtir une rente de revenus. On peut aussi combiner le portefeuille d’actions privilégiées aux autres classes d’actif pour ajouter une autre corde à notre arc de diversification!
Comment bâtir un portefeuille d’actions privilégiées
Lorsque bien construit, le portefeuille d’actions privilégiées va presque éliminer le principal risque de cette classe d’actif : soit le risque de perte sèche due à une faillite. Avec la diversification, on arrive effectivement à diluer le résultat de la faillite de l’un des titres que nous détenons de sorte que le profil de risque du portefeuille d’actions privilégiées s’approche à celui des obligations corporatives.
Premièrement, vous devez éliminer les émetteurs que vous jugez de piètre qualité. Chez Claret, nous aimons les entreprises qui génèrent des flux de trésorerie autogénérés constants et qui augmentent. Nous aimons également que certains ratios d’endettements soient respectés. Pour ce faire, nous dressons une liste de tous les émetteurs d’actions privilégiées canadiens et éliminons toutes les compagnies que nous jugeons de qualité moindre.
Nous cherchons ensuite à classer les émissions par catégories d’actions privilégiées (perpétuelles, à taux révisable, à taux variables, etc.). Puis, pour bâtir un portefeuille qui répond aux caractéristiques que l’on cherche, nous construisons une matrice dans laquelle on choisit des titres sur une base équipondérée (le même montant investi dans chaque titre) par émetteur et par catégorie de titres.
Les perspectives d’investissements
Pendant très longtemps, l’équilibre était atteint dans le marché des actions privilégiées lorsque le taux de dividendes après impôt des actions privilégiées était similaire au taux après impôt des obligations corporatives. Par exemple, si le taux d’intérêt d’une obligation de la compagnie X était de 4% et taxé à 50%, cela donnait un rendement de 2% dans les poches d’un investisseur. Donc, pour atteindre le point d’équilibre dans le rendement des actions privilégiées de la compagnie X, les investisseurs devraient être prêts à acheter ces dernières jusqu’à ce que leur taux de dividende soit équivalent au taux des obligations (net d’impôts), soit un dividende de 2.9% si ce dernier est taxé à 30% (2.9% taxé à 30% = 2%).
Présentement, le taux de dividende brut des actions privilégiées est significativement supérieur au taux d’intérêt brut des obligations corporatives. Il y a deux forces très puissantes qui vont porter le marché dans cette direction. Premièrement, les billets de capital à recours limités (BCRL), nouvellement disponibles au Canada et en forte concurrence aux privilégiées, peuvent être émis par les compagnies afin de pouvoir déduire les intérêts et les rendre moins coûteux que les dividendes, rendant ainsi ce produit financier plus avantageux pour les émetteurs. Les compagnies ont alors l’incitatif de racheter leurs actions privilégiées et d’émettre des BCRL lors des dates de réinitialisation. Également, les investisseurs ont avantage à investir dans les actions privilégiées pour profiter de l’avantage fiscal que le dividende déterminé apporte.