Le prochain « coup sûr »…

Il semble que notre fameux mur d’inquiétude soit beaucoup plus haut qu’on ne le pensait. Après l’avoir escaladé en 2023 (+23,8 %), le S&P 500 a poursuivi son ascension au 1er trimestre 2024, progressant encore de plus de 10 % (10,16 %, pour être exact, mais bon…). Pour mettre les choses en perspective, l’indice équipondéré S&P 500 n’a progressé que de 7,4 %, ce qui témoigne de l’importance des « Sept Magnifiques » –  veuillez consulter notre dernière lettre trimestrielle pour savoir ce à quoi nous faisons référence.

Le marché est-il trop cher?

Ça dépend…

1. Du niveau des taux d’intérêt :

En termes simples, le ratio cours/bénéfice (C/B) du marché (une notion couramment utilisée dans l’actualité financière) est un multiple qui exprime le prix que le marché est prêt à payer pour des bénéfices à venir. Si l’on inverse le ratio, le rapport bénéfice/cours indique le « rendement du marché », qui est, en quelque sorte, un taux d’intérêt.

En ce moment, le ratio C/B s’élève à 23,5 en fonction des bénéfices des 12 derniers mois, et le ratio fondé sur les bénéfices de 2024 est estimé à 21,50. Cela signifie que le rendement du marché se situe quelque part entre 4,3 % et 4,7 %.

Pour fins de comparaison, les obligations du gouvernement fédéral de 10 ans de maturité portent un taux de 4,3%. 

Par ailleurs, si l’on fait abstraction de la pondération exagérée des « Sept Magnifiques » au sein de l’indice S&P 500, analysant plutôt le ratio C/B de l’indice équipondéré S&P, celui-ci ne s’élève en fait qu’à 17,25, ce qui correspond à un rendement de marché de 5,8 %, contre 4,3 % pour le taux à 10 ans.

On peut donc raisonnablement affirmer que le marché est évalué à sa juste valeur.

2. Du niveau de l’activité économique :

Il nous semble que l’économie nord-américaine continue de poursuivre son petit bonhomme de chemin. Aucun signe de récession n’est en vue, même si la plupart des économistes s’y attendent. Tôt ou tard, ils auront raison…

3. Mais surtout, ça dépend des attentes des gens quant à l’orientation que prendront les taux d’intérêt et l’activité économique, alors là, notre boule de cristal n’est pas plus précise que la vôtre.

Fort heureusement, notre philosophie de placement ne repose pas sur des prévisions macroéconomiques. Nous partons généralement du principe que l’avenir ressemblera aux normes du passé, puis nous tenons compte de la possibilité que les choses soient pires que la normale. De cette façon, nous nous assurons que nos placements disposent d’une « marge de sécurité » qui ferait en sorte que nous obtiendrions des résultats corrects même si l’évolution future était quelque peu décevante.

« Je sais calculer le mouvement des corps célestes, mais pas la folie des foules. »

– Isaac Newton

Cette citation est directement liée au faux pas financier de Newton lors de la bulle des mers du Sud en 1720. La Compagnie des mers du Sud (South Sea Company), fondée en 1711, avait pour objectif initial de gérer la dette du gouvernement britannique. Newton a été l’un des premiers investisseurs et a profité de la hausse des actions de la Compagnie tout au long des années 1710. Toutefois, en 1720, les actions de la Compagnie ont connu une forte hausse avant de s’effondrer de façon spectaculaire. Cette débâcle financière a ainsi été surnommée la bulle des mers du Sud.

Après avoir pris des bénéfices considérables lors de l’envolée initiale, Newton a réintégré le marché alors que la bulle continuait à gonfler. Un krach spectaculaire s’ensuivit et ses pertes furent considérables. L’expérience de Newton est un exemple édifiant de la façon dont la mésinformation et la désinformation peuvent entraîner dans l’erreur même de brillants penseurs.

Nous avons pensé attirer votre attention sur deux titres du marché qui illustrent parfaitement cette « folie des foules » :

Trump Media and Technologies Group

Nul besoin de présenter cette entreprise, le nom dit tout. Ce qu’il faut souligner, en revanche, c’est que ses revenus en 2023 étaient d’à peine 4,1 millions de dollars US, tandis que ses pertes s’élevaient à 58,2 millions de dollars US. Pourtant, sa capitalisation boursière dépasse les 7 milliards de dollars US.

Le cours de l’action a suivi une trajectoire très intéressante depuis son entrée en bourse. Il est passé de 10 $US à plus de 175 $US en l’espace de quelques jours à la fin de l’année 2021. Il est ensuite retombé à 12-13 $US, puis est reparti à la hausse pour atteindre récemment un sommet de 79 $US.

Lorsque la politique, la spéculation et la peur de rater le train (FOMO ou Fear of Missing Out en anglais) convergent, rien ne peut arrêter la folie des foules.

Microstrategy Inc.

Il s’agit d’une entreprise du secteur des technologies de l’information (TI) dont le chiffre d’affaires s’élève à environ 500 millions de dollars US. Elle exerce ses activités dans les domaines de la veille stratégique, des logiciels mobiles et des services infonuagiques. Vers 2020, le fondateur et PDG, M. Michael Saylor, a décidé de se lancer sur le marché des bitcoins. Il en a accumulé 215 000 depuis, ce qui représente environ 1,02 % de l’ensemble des bitcoins en circulation.

Un rapide croqueur de chiffres se rendrait vite compte que la valeur de tous les bitcoins de Microstrategy est d’environ 15 milliards de dollars US, alors que la valeur d’entreprise (capitalisation boursière plus dettes) est de plus de 30 milliards de dollars US. Cela signifie-t-il que l’entreprise de TI, qui génère un chiffre d’affaires 500 millions de dollars US et de modestes bénéfices, est évaluée à 14 milliards de dollars US? Bien sûr que non! Il s’agit ici d’une histoire de bitcoin…

Les données historiques montrent que la valorisation de cette entreprise se situait entre 1,5 et 2 milliards de dollars US avant la saga du bitcoin. Si l’on exclut la valeur du segment des TI, cela signifie que les « investisseurs » (parlons plutôt de spéculateurs) sont prêts à payer près de 2,00 $US pour chaque dollar US de bitcoin détenu.

Il n’est donc pas étonnant d’apprendre que M. Saylor prévoit d’émettre plus d’actions ou d’emprunter plus d’argent pour acheter plus de bitcoins. En effet, en émettant plus d’actions avec une prime aussi élevée par rapport à la valeur sous-jacente de ses bitcoins, puis en utilisant le produit de l’émission pour acheter encore plus de bitcoins à un prix toujours plus élevé, le cours de l’action est donc poussé encore plus haut. Comme le dirait Buzz l’éclair : vers l’infini, et plus loin encore!

Jusqu’au jour où tout s’arrêtera…

Soyez assurés que nous n’achèterons pas de titres de Microstrategy ou quelque autre entreprise du genre, ni avec votre argent ni avec le nôtre!

Cependant, en guise de conclusion, n’oublions pas la citation suivante :

« Le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable. »

– John Maynard Keynes

Négocier ou ne pas négocier : telle est la question.

L’actualité financière étant diffusée de minute en minute par des chaînes comme CNN, CNBC, BNN et une multitude d’autres canaux sur les réseaux sociaux, la volatilité intrajournalière des marchés s’est accrue au fil du temps. Cela donne l’impression à l’investisseur moyen qu’il est possible de jouer avec ces fluctuations à court terme et d’améliorer ses performances.

Pourtant, très peu de ces soi-disant experts se sont enrichis en négociant sur le marché. Ils se sont enrichis en vendant des informations. Cela me rappelle l’histoire d’un pêcheur :

Un jeune pêcheur se présente dans un magasin de matériel de pêche et regarde le nombre infini de leurres colorés qui se trouvent derrière le comptoir.

S’enquit le jeune homme : « Combien de types de leurres vendez-vous? Les poissons mordent-ils vraiment? »

« Je ne sais pas », lui répond le propriétaire du magasin.

« Pourquoi les vendez-vous alors? » demande le jeune homme.

« Je ne les vends pas aux poissons. Je vous les vends à vous. »

Si certains réussissent très bien à négocier sur les marchés, la plupart des investisseurs – et nous en faisons partie chez Claret (en principe, nous achetons pour garder à long terme) – ne sont pas assez compétents pour le faire de façon rentable… coup sur coup, continuellement!

Nos faiblesses psychologiques font de nous des proies faciles pour les vendeurs parfois peu honnêtes de Wall Street et de Bay Street, qui ont pour seul objectif de créer suffisamment de tapage pour générer des activités de négociation sur lesquelles ils perçoivent des commissions et des frais.

La plupart du temps, vos objectifs et les nôtres ne concordent pas avec ceux des intervenants de Wall Street et de Bay Street. Le fait d’être dans un état de semi-conscience en ce qui concerne la négociation en général favorise la performance de vos placements à long terme. Nous finissons par payer moins d’impôts et moins de commissions et nous passons moins de temps à écouter les histoires insensées à propos… du prochain « coup sûr ».

Auteur(e)

  • Alain D. Chung, CFA
    Alain a commencé sa carrière en 1983 et est détenteur du titre de CFA. Il a obtenu son baccalauréat en administration des affaires du HEC Montréal pour lequel il s’est mérité une bourse d’excellence en finance. Alain est co-fondateur de Claret et président du conseil et chef des placements. Avant de se joindre à Claret, Alain a travaillé pendant 16 ans comme courtier en valeurs mobilières et vice-président auprès de CIBC Wood Gundy. Alain parle anglais, français, vietnamien, cantonnais et mandarin.

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