Les bourses ont terminé l’année en lion. Le S&P 500 a clôturé à la hausse pour une sixième semaine consécutive. Il s’agit de la plus longue lancée de l’indice depuis 1998. Et, lors de la rédaction de ce texte, le bal continue toujours.
On plane présentement sur un vent d’optimisme et de confiance. Le tube «Don’t Worry, Be Happy» fera peut-être même un retour en force au palmarès des dix meilleures chansons!
La table ci-dessous dresse en sommaire la performance des indices pour le 4ième trimestre et pour l’année 2003.
4ième trimestre | Année 2003 | |||
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Monnaie locale | Dollars canadiens | Monnaie locale | Dollars canadiens | |
S&P/TSX (CAN) | + 10.78% | + 10.78% | + 24.29% | + 24.29% |
S&P 500 (U.S.) | + 11.64% | + 7.09% | + 26.38% | + 4.28% |
Nasdaq (U.S.) | + 12.11% | + 7.54% | + 50.01% | + 23.78% |
Europe (Euro) | + 10.55% | + 14.58% | + 14.25% | + 13.17% |
Nikkei (Japon) | + 4.48% | + 4.21% | + 24.45% | + 13.77% |
Depuis 2002, l’économie se rétablie très bien des soubresauts que nous avons connus, et ce, grâce à la courtoisie des Alan Greenspan et cie qui ont su promouvoir des politiques monétaires et fiscales stimulantes. Une des règles de l’art de l’économie nous dicte que les tendances économiques ne changent pas rapidement. Effectivement, lorsqu’on connaît un renversement de tendance économique et qu’une reprise prend racine, il s’engendre une chaîne d’évènements qui rendent le mouvement autosuffisant. Il est habituel de voir la phase haussière du cycle économique durer tant et aussi longtemps que des pressions inflationnistes ne refont pas surface forçant ainsi les autorités à resserrer leurs politiques. Les dires et écrits de la Réserve Fédérale américaine (FED) nous portent à croire que les politiques monétaires expansionnistes seront en vigueur pour quelques temps encore, question de continuer à promouvoir la relance économique. En d’autres mots, les autorités américaines essaient et réussissent là où leurs contreparties japonaises ont manqué.
Les données démontrent qu’une croissance générale s’installe. En effet, un très haut pourcentage des économies autour du globe devraient afficher une amélioration de leur croissance en 2004. Le fait que cette expansion se passe sur une échelle mondiale est très sain et devrait en prolonger l’existence. Tout porte à croire que nous sommes sur une relance économique synchronisée sur l’ensemble du globe.
Le billet vert poursuit sa descente par rapport à l’Euro et par rapport à notre huard. Cette tendance baissière à long terme a encore du chemin à faire mais le degré de pessimisme qui s’acharne sur le dollar américain pourrait servir de combustible pour une flambée à la hausse de la devise à court terme. Ironiquement, épaulée par une reprise économique mondiale, la faiblesse du dollar aide les exportations américaines, resserrant ainsi le déficit de la balance commerciale tant critiqué par les économistes.
Le prix du pétrole s’est apprécié davantage clôturant l’année à $32.28 US. C’est non seulement le résultat d’une croissance économique mais aussi d’un dollar faible. Si l’OPEP devait honorer son engagement, il devrait hausser la production de façon à baisser et stabiliser le prix autour des 28$ US par baril. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Et pour de bonnes raisons. Les faits, et ce spécialement pour les pays du Moyen-Orient, sont que les producteurs sont payés avec une devise qui perd de sa valeur (le dollar US) alors que leurs familles font emplettes de produits de consommation achetés en Europe (en Euros). Afin de remettre le tout en perspective, le baril de pétrole s’est apprécié de seulement 10% en Euros alors qu’il a bondi de 35% en dollars américains…
Ce qui nous amène maintenant à traiter des sujets qui causent soucis à bien des investisseurs.
1. Le déclin du dollar américain et sa possible destitution en tant que devise globale de réserve au profit de l’Euro.
Ça ne sera pas pour bientôt. L’Euro n’est pas sans mérite et la demande globale pour la devise de l’Union Européenne (UE) va probablement s’intensifier à moyen terme alors que les pays continuent à réajuster leurs réserves de sorte à mieux refléter leurs partenaires commerciaux. Pendant de nombreuses années, toutes les banques centrales ne faisaient que conserver des dollars à cause d’un manque de confiance en toutes autres devises. Toutefois, l’UE demeure un amalgame de réalités économiques, sociales et culturelles disparates gouvernées par une même, et pas toujours appropriée, politique monétaire. Récemment, il y a eu un différent dans le Pacte de Stabilité et de Croissance. La France et l’Allemagne sur un côté étaient en désaccord avec le Portugal, l’Espagne et l’Italie. Ces évènements sont un avant-goût des disparités à venir, alors que L’Union Européenne s’apprête à accueillir plusieurs pays de l’Europe de l’Est dans ses rangs. Il ne faut surtout pas oublier que l’Europe de l’Ouest, en particulier, a un profil démographique défavorable qui ne supporte pas une croissance économique forte alors que les États-Unis sont encore la terre de prédilection avec le meilleur profil démographique parmi les pays importants. C’est encore l’économie la plus dynamique avec les marchés de capitaux les plus liquides et ceux avec le plus de profondeur, et ce, flanqué d’un esprit d’entreprise sans pareil et d’un gouvernement qui intervient le moins possible.
Nous voudrions aussi porter à votre attention un point très important : les États-Unis sont le seul pays à pouvoir emprunter et régler ses factures dans sa propre devise, transférant ainsi le risque de devise aux parties étrangères. Tant et aussi longtemps qu’ils pourront exiger de leurs partenaires commerciaux d’accepter le dollar US comme paiement pour toutes leurs transactions, ce dernier conservera son mandat de devise de réserve globale. Ceci n’est pas un gage de stabilité. À vrai dire, cela pourrait signifier beaucoup plus de volatilité alors que les États-Unis s’ajustent eux-même à la réalité de la globalisation.
2. La bulle du sur-endettement et le « Jour du jugement ».
C’est une vérité que la dette des ménages américains enfle constamment depuis l’après guerre. À plusieurs occasions, les économistes étaient sûrs que la charge imposée par la dette causerait des ravages à l’économie américaine. Jusqu’à présent, cette dernière a toujours réussi à défier les attentes et poursuivre sa croissance. Il est certain qu’à la fin, les oiseaux de malheur auront un jour raison mais la vérité est que, pour les 50 dernières années, ce ne fut pas une bonne idée de parier sur l’incapacité du consommateur américain d’augmenter son niveau d’endettement. Il est évident que la dette ne peut augmenter plus vite que les revenus indéfiniment mais il est très difficile de fixer le point d’inflexion. Puis après, l’augmentation du niveau de la dette ne veut pas dire que ce sont les mêmes consommateurs et compagnies qui contractent de plus en plus de dettes. L’essor et le développement d’un système financier plus sophistiqué au cours des 50 dernières années ont facilité l’accessibilité au crédit. Les prêts et les hypothèques sont accessibles à plus de gens, augmentant par le fait même le ratio de dette par rapport au revenu. Les taux d’intérêts à un niveau plancher favorisent aussi l’endettement puisque le loyer sur l’argent est meilleur marché et plus facile à supporter.
Notre discours est loin de conclure que le ménage américain est en bonne situation financière. Nous voulons seulement vous aviser que ce n’est pas l’apocalypse. Évidemment, si une récession se pointe encore, le fardeau de la dette ne fera qu’empirer la situation. Nous croyons qu’une situation d’endettement ne peut seulement se régler qu’avec le temps et, si on considère le niveau de la dette américaine, la guérison sera longue.
3. La bulle de l’immobilier.
Les prix des maisons ont définitivement affiché une croissance constante dans les dernières années. Les individus ont alloué une partie plus importante de leur capital dans l’immobilier. Mais cette décision de la part des investisseurs reflète beaucoup plus le désabusement causé par les rendements des marchés boursiers des années passées que la spéculation sans limite dont nous avons été témoins lors de la fin des années 80 alors qu’on achetait les immeubles pour des gains à court terme. Même à ces niveaux de prix, le prix des logements est encore abordable en général à cause des faibles taux d’intérêts.
Ceci dit, c’est un jeu dangereux que de généraliser lorsqu’on traite du marché de l’immobilier car les conditions varient beaucoup d’un endroit à l’autre. Il se peut qu’à un moment donné, il se forme des « mini-bulles » ici et là. Cependant, selon le Bank Credit Analysis, annuellement le prix national des logements n’a jamais reculé aux États-Unis depuis 1930. Nous nous avançons à réitérer la citation pour ce qui est de la situation canadienne, exception faite du Québec, qui a connu son propre cycle relié principalement à des raisons politiques.
4. Le « son de succion » qui, cette fois, nous vient de la Chine : ils viennent voler nos jobs manufacturiers.
Pour ceux qui croient que c’est vraiment le cas, laissez-nous chasser ces mauvaises pensées à l’aide de quelques données que nous avons recueillies dans une étude faite par le département de recherche de Alliance Capital Management. De 1995 à 2002, la Chine a perdu 16 millions de jobs manufacturiers, un déclin de l’ordre de 15%, alors que pendant cette même période, les Américains n’ont perdu que 2 millions emplois, soit une chute de 11%. Pour ce qui est du Canada, nous avons connu une hausse de 20% des emplois manufacturiers.
Les pertes d’emploi dans le secteur manufacturier ne sont pas seulement une problématique américaine mais bien un problème pour le monde entier. Les emplois ont été perdus à de meilleures machineries, de meilleurs ordinateurs, de meilleurs robots de toutes sortes et à des gains au niveau de la productivité. Conséquemment, la production a avancé constamment rendant les biens de consommation disponibles à plus grande échelle et plus abordables.
Il est très probable que l’industrie manufacturière suit les traces de l’industrie agricole lors du début du 20ième siècle. Le pourcentage de la population active qui oeuvrait dans l’industrie agricole était de l’ordre de 30%. Ce chiffre a fondu constamment lors des 100 dernières années pour s’établir à moins de 2%. Pourtant, la production agricole ne cesse de croître. C’est ce qu’on appelle le progrès. Dieu merci car les alternatives ne sont pas très attrayantes: voudriez-vous revenir 200 ans en arrière alors que l’économie offrait le plein emploi mais que nous devions allouer la totalité de nos ressources à se pourvoir de nos besoins les plus de base soit se loger et se nourrir?
5. Les scandales corporatifs aux États-Unis minent la confiance des investisseurs dans les marchés financiers.
Nous ne sommes pas bien différents de la plupart des investisseurs qui s’offusquent par les faits et gestes des cadres de certaines compagnies qui, de manière légale ou frauduleuse, encaissent de si grandes fortunes au détriment des actionnaires, et s’en tirent. Nous sommes aussi d’avis que, lors de fraude, le châtiment imposé aux criminels ne reflète pas l’ampleur du crime. Il ne faut cependant pas se faire d’illusions en pensant que les scandales corporatifs sont les boucs émissaires de toute la débâcle boursière. La cupidité a été le seul facteur important à l’ascension et l’effondrement de la bulle technologique. Idem pour toutes les autres bulles spéculatives de l’histoire. Les scandales sont essentiellement le résultat de périodes où l’euphorie dope le réalisme des investisseurs. Ces derniers ont perdu plusieurs billions (1,000 milliards) de dollars lors du récent effondrement boursier alors qu’on comptabilise l’ensemble des scandales à quelques milliards. Même si nous ne devons pas traiter les scandales comme des événements non-significatifs, nous croyons que les investisseurs doivent se pointer du doigt car ils se sont laissés guider par leur cupidité lors de cette période euphorique.
À force de nous lire, vous n’êtes pas sans savoir que notre commentaire de fin d’année inclus toujours des citations extraites des lectures que nous avons faites au cours de l’année et que nous trouvons particulièrement révélatrices. Nous les citons telles quelles. Cette année, nous en avons trouvé une qui se distingue singulièrement. La voici :
Au sujet des marchés boursiers
Herb Stein était probablement l’économiste républicain le plus influent des années 70. Une de ses citations les plus célèbre est devenue par la suite la loi de Stein et se lit comme suit : « Si quelque chose ne peut pas continuer pour toujours, elle va finir par s’arrêter ».
“…most days we can observe in the market what at first looks like the opposite principle at work: “Whatever has been happening for a while is likely to keep on happening a while longer, even if it no longer makes sense”. One reason for this is that lots of market phenomena are driven by positive-feedback loops…[lower interest rates improves borrowers’ financial conditions which in turn allows them to borrow more]…So things go on longer than they should, but, as Stein points out, not forever. Make money cheap enough and any bad idea can look good enough to fund…
“…The market abounds in these positive-feedback loops. They are a thing of nature, rather more to be expected than not…The market’s natural inclination is not to moderate itself but to run on headlong until it finds a brick wall, a.k.a. Stein’s law.
“…market behavior is terribly difficult to predict in detail, or with any precision as to timing. And yet it is often surprisingly easy to see that a market trend is pushing the limits of Stein’s law. Markets may be hard to parse, but brick walls stand out like, well, brick walls. Equilibrium may be a myth, but severe disequilibria are easily observable.” (A. Redleaf & R. Vigilante)
L’équipe Claret
N.B. : Nous ne faisons pas de prévision sur le marché des actions car nous croyons la sélectivité plus importante. Nous utilisons une approche titre par titre donc de bas en haut dans le choix des compagnies dans lesquelles nous investissons et laissons les autres lire les feuilles de thé. Si nous devons absolument commenter sur ce qui nous attend pour l’année 2004, nous voudrions vous faire part qu’il est devenu difficile de trouver de bonnes occasions alors que les multiples sont élevés. Pour vous faire une analogie, nous participons encore au bal mais nous préférons danser près de la sortie.