Investir dans les marchés émergents, est-ce que ça vaut le coup?

Les marchés émergents, ces pays connaissant une forte croissance économique, ont souvent été perçus comme offrant des rendements supérieurs à la moyenne. Mais est-ce réellement le cas ou n’est-ce qu’un mythe?

D’abord, qu’est-ce qu’un marché émergent? Le terme a été inventé en 1981 par un employé de la Banque mondiale, Antoine van Agtmael, qui faisait à l’époque la promotion d’un fonds d’investissement dans les pays en développement. Ce terme désigne désormais les pays qui affichent une croissance économique rapide.

De nombreux facteurs peuvent influencer les rendements boursiers, et une économie en expansion crée un environnement favorable où les entreprises peuvent prospérer et accroître leurs bénéfices. Cependant, l’idée selon laquelle une croissance économique rapide se traduit systématiquement par des rendements boursiers élevés est remise en question lorsque l’on analyse les données.

Pourquoi la croissance ne garantit pas les rendements: l’Inde et la Chine

Prenons l’exemple de la Chine et de l’Inde, deux économies qui affichent depuis 10 ans la plus forte croissance parmi les pays du G20.

L’Inde a enregistré une croissance du PIB de +5,37% par an (2012-2021) après inflation, tandis que la Chine a affiché une croissance de +6,68% par an sur la même période. En comparaison, le Canada a connu une croissance de +1,53% par an et les États-Unis de +2,12% par an.

Pourtant, les rendements boursiers de ces deux pays sur la même période ont été nettement inférieurs à ceux des États-Unis, malgré leur croissance économique plus modeste. Selon l’indice MSCI en dollars américains, les rendements annuels sur 10 ans étaient les suivants :

Cette analyse simpliste est corroborée par des recherches académiques qui ont révélé que la corrélation était plutôt négative entre la croissance économique et la performance boursière. Dans l’ouvrage de 2002 intitulé Triumph of the Optimists : 101 Years of Global Investment Returns, les professeurs Dimson, Marsh et Staunton de la London Business School ont fait la découverte controversée que non seulement il n’y a pas de corrélation entre la croissance économique et les performances des marchés boursiers, mais qu’au contraire, la relation peut très bien être négative. 

Ainsi, investir dans des pays connaissant une forte croissance économique ne garantit pas nécessairement des rendements supérieurs.

La diversification et les marchés émergents

Cependant, certains soutiennent que l’investissement dans d’autres pays peut diversifier un portefeuille, car les marchés boursiers mondiaux ne bougent pas toujours de manière synchronisée. Les performances peuvent être bonnes dans un pays tandis qu’elles sont médiocres dans un autre.

Donc, la diversification peut être bénéfique, mais elle a ses limites. En période de crise, la corrélation entre les économies tend à être plus forte. Lorsque les choses tournent vraiment mal, elles ont tendance à mal aller pour tout le monde. De plus, les marchés émergents sont souvent plus durement touchés lors des crises.

Investir dans les marchés émergents: les principaux risques à considérer

  1. Taux de change et inflation locale : Les fluctuations des devises des pays émergents sont généralement plus importantes et peuvent avoir un impact significatif sur les rendements. Par exemple, l’indice MSCI Inde a généré un rendement de 11,42% par an en monnaie locale (Roupie) au cours des 10 dernières années, mais seulement 6,71% en dollars américains en raison de la dépréciation de la Roupie de plus de 50% par rapport au dollar. De plus, il existe un risque d’inflation ou d’hyperinflation, comme en Argentine, où des périodes de forte inflation ont considérablement réduit les rendements réels des actions. L’Argentine a été confrontée, en particulier au cours de la dernière décennie, avec des taux d’inflation annuels dépassant souvent les 20%. Cette instabilité inflationniste a eu un impact significatif sur les rendements des investissements dans le pays.
  1. Instabilité géopolitique : Un gouvernement instable ou un événement géopolitique, tel qu’une guerre, constitue un risque majeur lorsque l’on investit dans les marchés émergents. Par exemple, la bourse russe s’est effondrée après l’invasion de l’Ukraine en 2022 et pourtant, la Russie était considérée comme une puissance économique montante au sein du groupe BRIC, qui comprenait également le Brésil, l’Inde et la Chine.

Les marchés émergents ont encore du chemin à faire

Il peut être tentant d’investir une partie de son portefeuille dans certains pays émergents en raison du potentiel de coup de circuit. Et pour être honnête, cela pourrait bien valoir la peine, mais nous le saurons seulement après le fait. Un peu comme avec la loterie, nous savons que quelqu’un remportera le gros lot la semaine prochaine, mais impossible de savoir qui ce sera à l’avance. 

En plus des quelques exemples cités et des données historiques qui démontrent qu’une croissance économique élevée n’est pas synonyme de rendements boursiers supérieurs, il existe des risques importants si on décide de jouer à ce jeu.

Notez que le marché boursier et l’économie ne sont pas la même chose. L’économie est la production et la consommation de biens, tandis que le marché boursier est un ensemble d’actions d’entreprises publiques. L’économie comprend bien plus que le marché boursier. Et c’est encore plus vrai dans les marchés émergents, car leurs marchés boursiers sont naissants par rapport à ceux des marchés développés.

Si vous ne pouvez pas résister à l’envie d’investir dans les marchés émergents, il existe une panoplie de fonds négociés en bourse qui peuvent répondre à ce besoin. Peut-être le faire avec une petite partie de votre portefeuille, mais je ne parierais pas la maison là-dessus, car les risques sont certainement plus grands qu’on ne le pense.

Auteur(e)

  • Maxime Dubé, M.Sc., CFA
    Maxime détient une maîtrise en finance de l‘Université de Sherbrooke et est détenteur de la charte CFA depuis 2019. Il s’est joint à l’équipe de Claret en 2016 à titre d’analyste en placement junior et a été promu au poste de gestionnaire de portefeuille en 2019.

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