La route cahoteuse vers l’équilibre…

Les facteurs attractifs et répulsifs de l’inflation et des taux d’intérêt, du plein emploi et des millions d’emplois non pourvus, de la demande effrénée et de la rupture des chaînes d’approvisionnement, des investisseurs exubérants et les bonimenteurs éhontés – voilà qui nous mène tout droit dans une course folle alors que la Fed tente de freiner les ardeurs d’une économie effervescente en fermant le robinet par lequel l’argent gratuit coulait à flots. L’inflation finit par freiner le désir infini de consommer et la réalité des déséquilibres économiques se fait sentir.

Commençons par les taux d’intérêt…

Comme nous l’avons mentionné dans notre dernière lettre trimestrielle, la hausse des taux d’intérêt finira par freiner cette économie dopée aux stéroïdes qui est principalement financée par des largesses fiscales démesurées et de l’argent imprimé par les banques centrales. 

Depuis notre lettre précédente : 

  • Les premiers indices qu’un ralentissement s’amorçait ont été notés par FedEx en septembre 2022, l’entreprise prévoyant des bénéfices et des revenus nettement inférieurs pour l’année et signalant que 2023 sera pire.
  • Ensuite, les fabricants de semi-conducteurs ont annoncé une surabondance d’inventaires et prennent maintenant des mesures pour réduire la production et revoir à la baisse les plans de développement des capacités dans le but de rééquilibrer l’offre avec une demande en baisse… ceci après la course folle aux puces en 2021 et 2022.
  • Le détaillant de voitures d’occasion CarMax a annoncé des ventes (unitaires) en baisse pour le trimestre, invoquant la faible confiance des consommateurs. De plus, les provisions pour pertes sur prêts ont doublé et plus, signe que la demande des consommateurs s’essouffle en raison des pressions inflationnistes et de la hausse des taux de financement.

Pourtant, l’inflation reste supérieure aux taux d’intérêt… ce qui n’incite pas la plupart des gens à épargner. Soit l’inflation doit diminuer, ou bien les taux d’intérêt doivent encore augmenter. Ou les deux… Et probablement les deux.

Le double coup de l’inflation et des taux d’intérêt – une voie qui mène vers un marché baissier…

Maintenant qu’on ferme les vannes et que la fête est finie, qu’arrivera-t-il?

Pour toutes sortes de raisons, le marché boursier semble toujours précéder la réalité économique :

  • Le cours de l’action de FedEx est déjà en baisse, passant d’un sommet de 319,90 $ atteint le 27 mai 2021 à environ 200 $ le jour où elle a annoncé les mauvaises nouvelles. Depuis, le titre a reculé de 25 % de plus, glissant à 150 $.
  • L’action de Micron a atteint un sommet de 98,45 $ le 5 janvier 2022 et se négocie aujourd’hui* à 50 $. Le titre de Nvidia, l’autre géant du secteur des semi-conducteurs, a atteint un sommet de 346,47 $ le 22 novembre 2021, mais a subi depuis une correction de 65 %. Aujourd’hui*, le titre se négocie à 121 $.
  • Quant à CarMax, le cours de l’action a cédé plus de la moitié de sa valeur, passant d’un sommet de 156 $ le 8 novembre 2021 à 66 $ aujourd’hui*.
  • Poshmark, une plateforme de commerce social, est entrée en bourse à 42 $ US en janvier 2022. Son cours a commencé à grimper pour atteindre plus de 100 $, mais a par la suite piqué du nez. En juin 2022, l’action se négociait à moins de 10$. La société vient d’accepter sa vente à la société coréenne Naver pour 17,90$, soit moins de 43 % du prix auquel elle a offert ses actions au public il y a neuf mois. Nous ne pouvons que supposer que c’était la seule chance de survie de l’entreprise.

*En date du 30 septembre 2022.

Fait à noter: ces entreprises sont rentables (à l’exception de Poshmark). Imaginez maintenant celles qui ne le sont pas depuis quelques années. Dans notre dernière lettre trimestrielle, nous les avons qualifiées de « zombies ». Ces entreprises ont réussi à faire leur entrée en bourse en lançant un premier appel public à l’épargne, réunissant des capitaux avec l’aide de banquiers d’affaires et de leurs équipes de vente. Leurs modèles de gestion sont, au mieux, discutables, voire louches, mais elles mobilisent beaucoup de capital humain et elles ont de l’argent pour payer leurs employés – l’argent des actionnaires.

Je pense ici à Lightspeed, Dialogue Health, GoodFood, Beyond Meat, Peloton, pour n’en nommer que quelques-unes.

Jusqu’à ce que certains de ces acteurs améliorent leurs modèles de gestion, se restructurent ou disparaissent, le marché baissier peut se poursuivre quelque temps.

Nous mentionnions aussi qu’avant que le marché baissier ne touche son creux, nous pourrions assister à une sorte d’événement lié au crédit. Et Credit Suisse pourrait fort bien en être un. Il est presque impensable qu’un géant suisse de la finance parvienne à se détruire par des décisions et des acquisitions aussi spéculatives que stupides, prises par une direction incompétente tout au long des années 1990 et 2000. Les actionnaires ont payé un lourd tribut, ayant vu le cours de l’action, qui était de 65 francs suisses en 2007, plonger vers 4 francs suisses aujourd’hui. Mais une fois de plus, tout peut arriver dans le domaine de la finance, surtout lorsque la stupidité est accentuée par un effet de levier exagéré et par l’illiquidité, le phénomène L au carré que nous avons mentionné dans la dernière lettre.

Parlant toujours d’institutions financières, nous pensons que les banques américaines et canadiennes sont des entreprises très solides. La réglementation les a aidées à renforcer leur bilan depuis la crise financière de 2008-2009. S’il y a une faiblesse dans le système financier de nos jours, ce serait dans le système bancaire dit « parallèle » (shadow banking en anglais), c’est-à-dire les institutions financières non réglementées du système. D’une manière alambiquée, nos banques financent en partie ces entités non réglementées au moyen de prêts aux entreprises et de placements obligataires. Cela inclut tous les types de prêteurs, des usuriers aux prêteurs de cryptomonnaie, en passant par les prêteurs du type « acheter maintenant, payer plus tard » et autres.

Entre vous et moi, il n’y a rien de nouveau entre les Klarna de ce monde et l’ancien système de paiements égaux de Sears. À mesure que ce marché baissier évolue, nous ne pouvons que penser à ce que disait Warren Buffett dans une de ses lettres:

« C’est seulement lorsque la marée est basse que l’on voit ceux qui se baignent nus. »

Vous avez été nombreux à poser la question : pourquoi ne pas vendre, rester sur la touche, et revenir sur le marché en temps opportun?

Hélas, nous aimerions assurément pouvoir réussir à tout coup à prédire le bon moment de se retirer ou d’entrer à nouveau dans le jeu… et aussi à éviter les frictions causées par les impôts, les écarts de négociation et les commissions, etc., en particulier les impôts sur les gains en capital accumulés au cours des bonnes années…

Nous sommes convaincus que c’est la magie de l’effet composé qui permet d’accumuler de la richesse, surtout lorsque l’on compose avec l’argent des autres. Dis simplement, chaque position gagnante de votre portefeuille a accumulé un passif qui s’appelle l’impôt sur les gains en capital (et, dans le cas d’un REER, un impôt sur le revenu différé). Toutefois, le gouvernement ne perçoit cet impôt que lorsque vous vendez votre placement (ou retirez des fonds dans le cas d’un REER). Autrement, c’est comme un prêt qui vous est accordé, sans intérêt et pour aussi longtemps que vous le voulez (c’est-à-dire que tant que vous ne vendez pas votre position, le prêt fonctionne pour vous, sans frais). Ainsi, plus longtemps vous conservez un bon placement, plus vous profiterez des avantages de l’effet composé qu’offre ce prêt sans intérêt que vous a consenti l’État. C’est la principale raison pour laquelle l’argent s’accumule beaucoup plus rapidement dans un REER qu’à l’extérieur. C’est aussi la raison pour laquelle il faut se doter d’un CELI.

À propos de l’Ukraine et de la Russie…

Nous avons du mal à envisager une porte de sortie si Poutine reste au pouvoir… Ce sera un processus long, laborieux et pénible…

À propos de la consommation et de la transition énergétique…

Voici quelques anecdotes qui donnent à réfléchir :

  • Selon une étude de Bloomberg, plus de 3 000 milliards de dollars US ont été investis dans les énergies renouvelables au cours des dix dernières années. Pourtant, la consommation énergétique actuelle est encore alimentée à 80 % par des combustibles fossiles, ce qui n’a guère changé depuis 10 ans…
  • Et si nous avions investi 3 000 milliards de dollars US dans la recherche de meilleurs moyens de contenir les déchets nucléaires, aurions-nous trouvé une voie plus efficace vers les énergies renouvelables?
  • Si la plupart des entreprises ont un « plan » pour réduire l’utilisation des combustibles fossiles, et si de nombreux pays considèrent que la carboneutralité sera une réalité d’ici 30 ans, peu d’éléments nous montrent comment ces cibles et ces objectifs peuvent être atteints de manière réaliste. Les coûts ne sont pas mesurés de manière crédible.
  • Alors que les conditions météorologiques extrêmes sont une réalité, que feront tous les conducteurs de véhicules électriques s’ils doivent évacuer et que le réseau électrique est en panne? Devrons-nous avoir deux voitures? Ou une batterie de rechange pour la batterie de la voiture? Qu’est-ce qui remplacerait le bidon d’essence rouge de 10 gallons?

Nous n’avons certainement pas de réponses à ces questions existentielles. En revanche, ce que nous pouvons faire chez Claret, c’est faire de notre mieux pour gérer votre épargne de manière prudente et responsable et vous offrir un rendement raisonnable au fil du temps, en investissant dans des entreprises dotées de véritables modèles d’affaires, bien gérées, offrant de solides perspectives et générant des flux de trésorerie positifs dans un avenir prévisible.

Merci une fois de plus de votre confiance.

Auteur(e)

  • Alain D. Chung, CFA
    Alain a commencé sa carrière en 1983 et est détenteur du titre de CFA. Il a obtenu son baccalauréat en administration des affaires du HEC Montréal pour lequel il s’est mérité une bourse d’excellence en finance. Alain est co-fondateur de Claret et président du conseil et chef des placements. Avant de se joindre à Claret, Alain a travaillé pendant 16 ans comme courtier en valeurs mobilières et vice-président auprès de CIBC Wood Gundy. Alain parle anglais, français, vietnamien, cantonnais et mandarin.

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